Jacek Malczewski (1854–1929) – l'un des peintres les plus originaux dans l'histoire de l'art polonais - auteur d'environ 2000 tableaux (dont 1200 conservés à ce jour), sans compter tant de dessins et d'esquisses que personne n’a sans doute jamais comptés. Plus de 170 œuvres, dont la clé est le romantisme, sont présentées à l'occasion de cette exposition au siège central du Musée National de Cracovie.
Le professeur Andrzej Szczerski, Directeur du musée national de Cracovie écrit : « ce n'est pas cependant une nouvelle exposition monographique, appuyer sur des œuvres largement connues, mais une présentation qui attirent l'attention sur l'enracinement de la peinture de l'artiste dans la tradition du romantisme. La construction de l'exposition se concentre sur trois questions clés ayant modelé la création de Malczewski et renvoyant au romantisme. La première d'entre elles est le messianisme inspiré en particulier par la poésie de Juliusz Słowacki que le peintre admirait, le meilleur exemple en étant la série des travaux liés au poème Anhelli. La peinture de Malczewski ne se réfère pas seulement à la poésie du Barde et à son thème de la déportation en Sibérie, mais elle procède également à sa mise à jour. L’Artiste y inscrit le vécu de sa génération, façonnée par le Soulèvement de 1863 et par la mémoire du sort des insurgés exilés par le tsar en Sibérie. Très familière à Jacek Malczewski était également la fascination romantique pour la culture populaire, qu'il découvrait à sa propre manière originale, y puisant des contenus aussi différents que la symbolique de la nature, la spiritualité ou les personnages fantastiques des Roussalkas, ces nymphes omniprésentes dans les légendes populaires. La troisième question est liée à la personnalité de l'artiste : d'un côté une individualité, un génie créant grâce au fil de son inspiration romantique, et d'un autre – un personnage public, remplissant à l'époque des partages de la Pologne la fonction de guide spirituel du peuple, chargé du maintien des valeurs de la polonitude et appelant à la reconquête de l'indépendance. Malczewski montre dans ses tableaux les effets surprenants de l’association entre eux de ces rôles – qui pourraient sembler contradictoires – et quel défi c'était, mais également de quelle manière il avait réussi à le relever ».
Malczewski est surnommé le Böcklin polonais, grand romantique, poète de la peinture et peintre de la poésie. Il lui arrivait d’être aussi étrange et incompréhensible que certains de ses tableaux. Bien que la moitié de sa vie artistique se soit déroulée au XXe siècle, Celle-ci appartenait à une époque plus ancienne. Petit, frêle, perclus de maladies et hanté par les visions de sa propre mort, Jacek, cette tête d'œuf, était aimé apparemment pour ses innocents yeux bleus et pour son immense amour de l'art. Mais ce membre du Tiers-ordre franciscain, intelligent, cultivé et instruit, qui plus est ardent pacifiste, entrait assez facilement en conflit. De l'avis largement partagé, il était bizarre. Wojciech Kossak, ami de Malczewski, écrit que « Feu le comte Karol Lanckoroński aimait Jacek, comme tous ceux qui le connaissaient d'assez près et lui pardonnait tout. A vrai dire il ne s'agissait pas de crimes difficiles à pardonner, mais d'excentricités. Il l'emmena un jour à Rome, que Jacek ne connaissait pas. Jacek ne sortit pas de l'hôtel et, sans avoir rien vu, littéralement rien, il repartit en affirmant que, pour lui, plus intéressantes sont les oies sur le premier chemin polonais venu qu’il verra juste après qu’on aura dépassé Oderberg ». Il attirait aussi l’attention de son entourage par son excentrique tenue « dadaïste ». La cuisinière des Malczewski répéter souvent qu'elle avait vu beaucoup de gens de toutes sortes : « mais un maître aussi zinzin que le nôtre, ça jamais ». Rien d'étonnant, car il portait souvent des blouses à la Rembrandt, des jaquettes, gilets, capotes et pèlerines. Il chaussait des bandes molletières et se coiffait de bonnets, bérets, calottes et casquettes fantaisie. Même après sa mort, il en étonna plus d'un en ordonnant qu'on l'inhume en bure de franciscain.
Jacek Malczewski vint au monde en 1854 à Radom, dans une famille noble appauvrie du lignage des Tarnawa. Il entama sa scolarité au Gymnase Saint-Jacek de Cracovie. Dès l'âge de 18 ans, il étudia le dessin, d'abord avec Léon Piccard puis – en tant qu’auditeur libre – dans la classe de Władysław Łuszczkiewicz à l'Ecole des Beaux-Arts de Cracovie. Sur le conseil de Matejko, il y entreprit des études régulières sous la direction du maître. Au bout d'un an, en raison d'un conflit avec celui-ci, il partit pour Paris, où il passa une année, étudiant à l’École des Beaux-Arts. Rentré à Cracovie, il étudia à nouveau en 1877-1879 dans la classe de Matejko.
Dans la première moitié des années 1880, après un bref voyage en Italie, Malczewski vécut tant à Cracovie, Radom et Lwow que chez des familles amies de noblesse terrienne dans le Royaume de Pologne, la Galice et la Podolie. En 1884, il prit part à l'expédition archéologique de Karol Lanckoroński en Asie mineure. Il s’y confronta à la culture antique qui exerça une influence certaine sur sa création ultérieure. En 1885-1886 il étudia à Munich et à son retour s'installa définitivement à Cracovie : Il enseigna à l'Académie des Beaux-Arts et, entré en conflit avec les autorités de celle-ci, se mit à travailler dans l'école de dessin qu'il avait lui-même fondée ainsi que dans des écoles artistiques féminines. Il était membre de la Société des Artistes Polonais „Sztuka” (Art), du Groupe „Zero” et de la Sécession viennoise. Il mourut à Cracovie en 1929 et fut inhumé dans la Crypte du Mérite de Skałka à Cracovie.
Dans son art, Malczewski mêlait humour et pathos, ironie et mélancolie, érotisme et mort. Il associa le mythe national polonais à la mythologie antique. Il était le porteur de visions patriotiques, historiques, antiques, bibliques, populaires et fantastiques. Circule jusqu’à aujourd’hui la plaisanterie caustique de Jan Stanisławski, pour qui „Jacek Symbolewski est capable de peindre le même jour une grenouille dans du lait caillé et juste à côté le salut de la Pologne”. Il était un maître du portrait. Les femmes le fascinaient : il établit les canons de leur charme froid, au sourire de sphinx. Lui-même exécutait volontiers son propre portrait, prêtant ses traits même au Christ. Vers l'année 1890, quand les autres artistes polonais découvrirent les arcanes de l'impressionnisme, il emprunta la voie du symbolisme. Ce grand romantique fut sans doute le dernier peintre européen aussi profondément enraciné dans la tradition renaissance et baroque mais également le dernier dont l'art rassemblait deux mondes : l'antique et le chrétien. La création de Malczewski se caractérisait en particulier par le fait que l’artiste accordait à des gens ordinaires la posture des dieux. Il aimait aussi faire descendre les dieux et les anges sur la terre de Petite-Pologne, leur accordant avec un grand sens de l'humour les attributs de gens convenables et bons. Ses Madones aux corps de fortes jeunes filles polonaises assises au bord d’un chemin de terre, et auxquelles rendent hommage des faunes, satyres, harpies et sirènes. Quand il peignait Maria Bal en Chimère, Thanatos ou Pythie, il ne s’agissait pas d’une nudité chrétienne pudibonde mais d’un fier acte antique.
L’exposition du Musée National de Cracovie présente plus de 170 œuvres, dont 20 esquisses ainsi que des carnets de croquis. S’y retrouvent des thèmes sibériens inspirés de la poésie de Juliusz Słowacki, des portraits et autoportraits, des thèmes de contes de fées illustrant des fables populaires. Elles sont complétées par des réflexions sur l'inspiration, le rôle de la Muse, la place de l'Art et l'importance de l'atelier de l’artiste.
Un album reproduisant plus de 140 œuvres de Jacek Malczewski – tableaux, esquisses, dessins – ainsi que quelques photographies d’archives le représentant. Des textes d'Urszula Kozakowska-Zaucha introduisent les thèmes de l'exposition et évoquent les fascinations et inspirations romantiques de l'artiste, ainsi que les personnages du monde fantastique et mythologique présents dans ses œuvres.
En mémoire du 200ème anniversaire de la publication des Ballades et romances d’Adam Mickiewicz, reconnues pour avoir été le manifeste du romantisme en Pologne, 2022 a été déclaré Année du Romantisme Polonais. C’est à cette occasion que le Musée National de Cracovie organise cette exposition exceptionnelle dédiée au romantisme dans l’œuvre de Jacek Malczewski.
Katarzyna Bik
Informations pour les visiteurs :
Exposition „JACEK MALCZEWSKI ROMANTIQUE”
1er étage du Bâtiment principal du Musée National de Cracovie, al. 3 Maja 1, 30-062 Cracovie
18 février 2022 – 31 juillet 2022
lundi : fermé
mardi : 10.00–19.00
mercredi – dimanche : 10.00–18.00
pause technique : tous les jours 13.00–13.30
Commissaire : Urszula Kozakowska-Zaucha
Co-auteur du scénario : prof. Bartosz Korzeniewski
Projet muséographique : Magdalena Bujak
Coordination : Olga Pawlak
Organisateur : Musée National de Cracovie
La réalisation de l’exposition „Jacek Malczewski romantique” est cofinancée par le Ministère de la Culture et du Patrimoine National.
Pour en savoir plus, consulter : https://mnk.pl/exhibitions/jacek-malczewski-the-romantic