Le prince Eustache Sapieha, un des plus fameux chasseurs du Kenya avec Bror Blixen, adorait les harengs. Sapieha était un aristocrate polonais qui, dans la tourmente de la guerre, s’était réfugié à Nairobi. Il s’y installa, se consacrant avec le temps à la chasse. De temps en temps, il faisait venir des harengs de Pologne. Ce n’était pas si facile à l’époque et en outre, avec le climat de l’Afrique orientale, il fallait se dépêcher de les préparer pour éviter qu’ils s’abîment. L’autre ingrédient nécessaire pour ces harengs, c’étaient les champignons, si possible des cèpes. Pour ceux-ci, c’était alors plus facile, car Sapieha se rendait fréquemment à Paris où il s’approvisionnait sur les marchés. Cette recette est relativement ancienne. Elle provient des régions de Pologne où vivaient de nombreux Juifs, par exemple Grodno et les terres orientales. Les harengs préparés de cette manière, comme de nombreux autres plats de la cuisine traditionnelle ashkénaze, étaient passés dans le répertoire moderne de la gastronomie polonaise.
Les harengs doivent être préparés, les filets levés et mis à tremper dans du lait, ou déjà prêts, dans l’huile. Les champignons sont passés au beurre. Si nous n’en avons pas de frais, nous employons évidemment des surgelés. Les trouver au marché ne présente pas de difficulté. Cuire les pommes de terre à l’eau, mais attention à ne pas saler celle-ci, car les harengs contiennent déjà naturellement tant de sel qu’il faut éviter d’en ajouter dans cette salade.
Ensuite, une fois refroidis, mélanger les champignons et les pommes de terre dans un saladier, ajouter les harengs en tronçons, les oignons coupés en rondelles, une gousse d’ail hachée, du persil et du thym. Mais ce dernier en petite quantité.
Cette salade a du caractère. Elle est salée naturellement par les harengs eux-mêmes. A vrai dire, l’huile adoucit bien le goût fortement prononcé des harengs, mais le seul moyen de rehausser la valeur de ce plat et son arôme hors du commun, c’est un verre de vodka. Bien glacée.