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Le bouillon

Le bouillon est la reine des soupes polonaises. Disons la plus importante de la gastronomie polonaise, en particulier sur un point majeur : que préparer pour le déjeuner du dimanche ? 

Le bouillon polonais est un rite. Une soupe familiale, voire diplomatique. Le bouillon se sert en Pologne lors des déjeuners présidentiels, dans les écoles, les maisons de repos, les hôpitaux et pratiquement dans chaque foyer. Il est connu au moins depuis le temps des Sarmates. Il était l’un des plats principaux lors des festins de la noblesse. 

Avant même le XVIIIème siècle, le bouillon était préparé en Pologne avec du chapon. On le cuisait alors avec des morceaux de carotte, de chou-rave et des coeurs de chou. On y ajoutait aussi de l’oignon, de l’ail, du poivre et même des œufs. Dans les riches maisons des magnats, où les cuisiniers étaient couramment des étrangers, on jetait dans le bouillon des feuilles de laurier, des clous de girofle et, plus tard, quand la consommation des légumes devint à la mode en Europe vers la fin du XVIIIème siècle, du céleri et des navets. Actuellement, on ne trouve plus par exemple dans le bouillon polonais de navets et de raves, à l’inverse du pot au feu d’Angleterre ou de France. 

En Pologne, on cuit un bouillon pratiquement à l’occasion de chaque réception. Le chapon en était la base. Le bœuf ou le veau ne firent une large apparition que vers la fin du XIXème siècle. Avant cela, il n’y avait guère que le roi ou ses riches seigneurs qui pouvaient se permettre un tel luxe. Ainsi, à la cour de Stanislas Auguste, dernier roi de Pologne, son cuisinier français cuisait à feu doux un bouillon de viandes mélangées, dont des perdrix, du veau, des os à moelle, des colombes entières en même temps, bien entendu, que de délicats légumes et épices, particulièrement feuille de laurier, coriandre et ail. Un tel bouillon, toujours très clair, était servi dans des tasses de porcelaine pour le boire tel du thé, une main tenant la tasse par son anse, cependant que de l’autre on s’essuyait la bouche d’une serviette…


Le bouillon polonais se cuit aujourd’hui avec beaucoup de légumes, surtout des carottes, du persil racine, du chou, ainsi que du bœuf, de la poule ou du coq. Pour la qualité du bouillon, il est utile de savoir si la poule est fermière ou vient du supermarché. Il cuit longtemps, à feu doux afin qu’il reste clair pendant toute sa cuisson et ne devienne pas trouble.

Le bouillon doit présenter d’assez grands yeux, ce qui lui assure non seulement une belle apparence mais convainc aussi qu’il a bien été préparé avec les viandes de la plus haute qualité. Le bouillon doit dégager un fumet. Fut un temps en Pologne où on aimait associer des saveurs multiples, par exemple relevées et sucrées. On l’assaisonnait ainsi volontiers d’une grande quantité de poivre auquel on ajoutait du miel ou des clous de girofle. En Pologne, le bouillon se sert dans des assiettes creuses avec des pâtes. Celles-ci doivent être longues et fines. Le plus souvent elles sont déjà refroidies quand on verse sur elles le bouillon brûlant, ce qui fait que la soupe est toute suite prête à être mangée.

Lors des réceptions élégantes, le bouillon ne contient ni viande ni légumes. Par contre, point de telle contre-indication à la table familiale. De bons morceaux de bœuf sont très souvent mangés plus tard, après la soupe, avec du pain noir et du raifort.

Pour ce qui est des pâtes déjà évoquées, on les mange en se servant d’une cuiller de table et il arrive souvent qu’elles éclaboussent et dégoulinent par les côtés. C’est pourquoi, sur nombre de photographies d’époque, on voit que dans les restaurants, à l’heure de prendre le bouillon, les gens portaient leur serviette soigneusement nouée sous le menton.

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