Dans le film « La soupe au chou », Louis de Funès cuisait sa soupe avec du chou frais du jardin, auquel il ajoutait des carottes et du pain. En compagnie d’un ami (le rôle était tenu par Jean Carmet), il buvait sans trêve une innommable piquette. Leur plus grande distraction consistait en « lâchers de pets » qui donnèrent un jour le signal de la venue d’un Martien, inattendu dans cette contrée. En réponse à ces appels si particuliers, un hôte venu de l’espace atterrit chez de Funès et, charmé par le goût de cette soupe au chou insolite, il emmena les deux compères sur la planète Oxo, afin qu’ils y mènent une vie longue et heureuse. Voilà dans ses grandes lignes, à quoi ressemble cette histoire. C’est grâce à elle que depuis lors manger la soupe au chou et boire du vin dans des gobelets ébréchés sont devenus si étonnamment à la mode dans le monde entier.
En Pologne, toutefois, la tradition de la soupe au chou a connu un cours un peu différent. Tout d’abord, on utilise pour la préparer du chou aigre, et non du chou frais venu tout droit du jardin, comme le faisait Louis de Funès. Son acidité salée lui donnait un goût plus soutenu et un caractère plus affirmé. Cette soupe est préparée en Pologne depuis des siècles.
Ce n’est qu’au XXème siècle qu’on y a ajouté des pommes de terre. Suivant la fortune des maîtres de maison, la soupe était cuite avec un bouillon d’os ou avec de la viande. Elle était souvent préparée avec des travers de porc, ou simplement en y ajoutant de la poitrine. Car il va de soi que la poitrine de porc se marie au mieux avec le chou aigre. Cette soupe se nomme en Pologne « kwaśnica » (de kwas, kwaśny, « acide, aigre ».
C’est un plat complet, par exemple dans les régions montagneuses du Sud du pays. Elle est très nourrissante et revigorante. Pendant des siècles, elle a constitué la nourriture principale des foyers modestes, que ce soit dans les villages ou même les villes de la région.
Attention, toutefois ! On n’ajoute pas à cette soupe d’autres légumes, comme par exemple des carottes, car on obtient alors un « kapuśniak ». Celui-ci est une tout autre soupe, même si leur aspect est apparemment semblable.
Nous avons donc affaire à deux soupes : le « kapuśniak » et la « kwaśnica ». C’est bien le « kapuśniak » qui se rapproche le plus de la soupe de Louis de Funès, par son style et son contenu, bien qu’il s’en distingue par la présence du chou aigre.
En visite en Pologne, il convient de s’en souvenir.
Dans les régions de montagne, on prépare au moment des fêtes de Pâque une soupe traditionnelle au chou aigre, mais dont la base est un court-bouillon de têtes de poissons. Ceci est toutefois une autre histoire…