Il y a quelques années, l’Institut Polonais de l’Art du Film reçut le scénario suivant : un jeune producteur d’oscypek, ce fromage du Podhale (région montagneuse dont la capitale est Zakopane) part pour la Hollande afin d’assurer la promotion de son produit. La Hollande, c’est bien connu, est la capitale mondiale du gouda et des fromages à pâte jaune en général. Le jeune homme n’en croit pas moins que son fromage polonais du Podhale peut leur être supérieur. Dans l’antre du lion, il fait la connaissance du représentant d’une firme commercialisant du gouda. Celui-ci est impressionné par l’enthousiasme du Polonais. Ils se rendent ensemble en Pologne pour découvrir les secrets de fabrication de l’oscypek. Il est vrai qu’il s’agit d’un fromage réellement particulier. Même son apparence fait impression. En outre, il est ferme et fumé. On le fait avec du lait de brebis. On utilise des moules de bois spéciaux et, une fois formé on le trempe toute une journée dans la saumure, pour en extraire l’eau en excès. C’est un processus complexe puisqu’à la fin le fromage est fumé au bois de pin, dans les « bacówki» (burons de bois des montagnards).
Jadis, l’oscypek était utilisé comme monnaie d’échange entre bergers sur les pâturages d’altitude. Il est de goût un peu salé et croque sous la dent, rappelant ainsi le Haloumi de Chypre, mais en incontestablement plus parfumé. On peut manger l’oscypek tout simplement, nature, mais dans certaines régions de Pologne on le sert légèrement poêlé avec de la confiture. Du fait de son séjour dans la saumure, il est assuré d’une longue conservation.
Les Polonais adorent l’oscypek. Sa consommation est si importante que les producteurs ont du mal à faire face à la demande. C’est pourquoi certains tendent des pièges aux touristes étrangers sous la forme d’oscypek de lait de vache. Distinguer un fromage de brebis d’un fromage de vache ne relève pas d’une science extraordinaire mais bien des acheteurs ne s’en laissent pas moins prendre au piège. Il en va de même entre la feta danoise et l’authentique Feta grecque faite au lait de brebis. Si nous ne les reconnaissons pas à l’odeur, du moins le pouvons-nous certainement à leur prix. Il en va de même avec les oscypek. Le vrai, celui de brebis, coûte effectivement assez cher.
Et qu’en est-il de cette histoire de film du Polonais et de son partenaire hollandais dans le business du fromage ? C’est une histoire avec happy end. Pendant leur voyage en Pologne, ils sont tombés amoureux l’un de l’autre. Ils étaient gays. Ils se sont mariés en Hollande. Ils ne se sont pas lancés dans la production d’oscypek. Ils ont ouvert à Amsterdam un magasin de plantes exotiques importées d’Indonésie.